Vous serez comme des dieux

10 octobre 2020

C’est avec ces paroles que le serpent du livre de la Genèse gagne à sa cause Adam et Eve : « vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal » (Gn. 3, 5) et ainsi les enchaîne au péché qui les sépare de Dieu.
 Le péché originel est trop souvent présenté de manière caricaturale comme le fait de « croquer la pomme », c’est-à-dire pour l’homme et la femme de s’unir, comme si l’amour était un péché alors même que nous avons foi en un Dieu qui est Amour. Cette présentation simpliste et caricaturale nous conduit trop souvent à évacuer l’idée même de péché et du péché originel en particulier, comme anecdotique, légendaire, poétique, sans valeur réelle.
 Le récit de la Genèse nous enseigne autre chose. Le péché originel - non seulement le péché qui est à l’origine, mais qui est la racine même de tout péché - est avant tout un acte d’orgueil par lequel l’homme non seulement prend la place de Dieu, mais encore s’en sépare et va jusqu’à l’ignorer, voire en nier son existence. L’homme croit trouver sa liberté en se dispensant de « l’hypothèse » de Dieu.
 Celui qui ignore puis nie Dieu pense, dans un premier temps, s’en libérer. Ce faisant, il se livre, pieds et poings liés à d’autres dieux : passions, idéologies, idées fausses, intérêts personnels, plaisirs immédiats, jugements hâtifs, réactions épidermiques, sensibles et subjectives, ou pire encore la loi du plus grand nombre qui ne fait qu’additionner des subjectivités ! Or, l’addition d’erreurs n’a jamais fait une vérité ! Abandonnant tout bon-sens, le sens même de la réalité, du monde, des choses, de toute vie, il veut contraindre la réalité à son idée, à son idéologie, à ses passions. Et il est alors capable de travestir tout cela dans de bonnes intentions, sous le couvert d’un supposé humanisme. Et c’est cela qu’il met à la place de Dieu. Il remplace Dieu par des dieux ou pour mieux dire par des idoles. Les idoles sont des succédanées de Dieu, qui donnent l’impression d’être la même réalité, en apparence, mais qui en fait, n’en a aucune des qualités ou des vertus.
 Connaître le bien et le mal, dans la Genèse, ce n’est pas simplement en avoir une connaissance, ou la capacité de discerner la réalité du bien et du mal – ce qui est une bonne chose, voire qui est un des éléments qui distingue l’homme de toute autre créature -, mais c’est s’attribuer le pouvoir – bien illusoire – de décider de ce qui est bien ou mal, par un acte d’autorité, par une décision personnelle, ou la prétendue volonté du peuple, trop souvent manipulée.
 Lorsque d’une manière ou d’une autre l’homme croit se libérer de Dieu, il s’enchaîne lui-même, et laisse la porte ouverte aux conséquences les plus imprévisibles. La première punition, n’est pas d’abord celle de la damnation, mais celle d’un désordre du monde et de l’humanité. Étonnamment, alors même que l’homme veut se dispenser de Dieu, lorsqu’il doit subir les conséquences de ses propres erreurs, de son idéologie, de son imprudence, de son orgueil, il se tourne vers Dieu en accusateur !
 Plus que jamais, précisément parce que nos moyens techniques se sont développés, nous devons être non seulement prudent, mais humble, devant la Création (êtres humains, animaux, végétation...), devant les hommes, devant Dieu.

 

Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades