Eloge de la malhonnêteté

14 novembre 2017

Nous connaissons bien cet épisode de l’Evangile qui s’achève par cette phrase : «  Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté  ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.  » (Luc 16, 8). Notre Seigneur ferait-il vraiment l’éloge de la malhonnêteté de ce gérant  ? Il fait plus exactement l’éloge de son habileté qu’il veut donner en exemple aux fils de la lumière, regrettant que ces derniers soient moins habiles que les fils de ce monde. Ce faisant, il s’adresse à ses disciples, soulignant leur manque de cohérence et d’habileté pour ce qui concerne la foi.

Ce gérant de l’Evangile est d’abord mis en cause parce qu’il dilapide les biens de son maître. De ce fait, c’est un mauvais gérant. Des biens précieux lui sont confiés et il n’en prend pas soin, il ne les gère pas correctement. Ne sommes-nous pas ces mauvais gérants lorsque nous négligeons la grâce qui nous est donnée, lorsque nous délaissons la mission qui nous est confiée, lorsque nous méprisons les trésors dont nous disposons  ?

Mais ce gérant, prenant conscience qu’il est «  en danger  », va réaliser qu’il a à sa disposition des trésors qu’il peut mettre à profit. Au fond, son attitude change lorsqu’il est directement et personnellement impliqué. Ces trésors ne lui sont plus extérieurs et étrangers, ils deviennent ses propres biens.

Je constate, avec regret, que nous nous comportons souvent comme ce mauvais gérant avec les biens de la grâce et de la foi : comme si nous étions étrangers à ces biens, comme s’ils ne nous appartenaient pas, comme si nous n’étions pas personnellement impliqués. Bien souvent, pour ce qui concerne la foi et la vie chrétienne, nous n’agissons pas avec la même habileté qu’avec ce qui concerne notre vie quotidienne et ses contingences. Nous avons souvent bien plus d’attention, nous prenons plus de temps, de soin, de moyens, pour des réalités qui n’en valent pas toujours la peine.

Ne trouvons nous pas facilement des prétextes pour ne pas prendre du temps pour prier chaque jour, pour nous dispenser de la messe du dimanche, pour nous décharger de notre responsabilité vis-à-vis des plus pauvres  ? Quel témoignage donnons-nous alors, sinon que de montrer que finalement, cela n’a pas tant d’importance ou de valeur que ça  ? Il ne suffit pas d’affirmer de notre bouche que nous sommes chrétiens, de déplorer un effacement de la foi chrétienne de notre quotidien dans la société, voire une suppression de ces marques dans le calendrier, les édifices, les noms, l’histoire... si nous-mêmes ne montrons pas, en acte et en vérité, l’importance et la valeur que cela peut avoir pour nous, au quotidien  !

Alors, comme ce gérant, soyons habile pour mettre à profit le trésor de la foi et les biens de la grâce  !

Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades