Ce qui nous enflamme et nous illumine

7 novembre 2020

L’Evangile de ce dimanche nous avertit : « veillez donc, car vous ne savez ni le jour, ni l’heure ». Il ne s’agit pas de faire peur, d’inquiéter ou d’effrayer, mais de rappeler au bon sens, à la sagesse, dont la première lecture fait l’éloge : « Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance leurs désirs en se faisant connaître la première. (…) Penser à elle est la perfection du discernement, et celui qui veille à cause d’elle sera bientôt délivré du souci » (Sg. 6).

Les jeunes filles sont invitées à la noce, mais parmi elles cinq sont prévoyantes et cinq sont insouciantes. Peu de choses distinguent les unes des autres : ce sont des jeunes filles, toutes invitées à des noces, chacune porte une lampe, toutes se sont endormies à cause du retard de la venue de l’époux. Cependant, les unes prévoyantes, avaient aussi pris une réserve d’huile, et les autres, insouciantes, n’avaient pas eu cette précaution.

D’où peut venir leur insouciance ? Sans doute s’étaient-elles habituées à ce que tout se passe toujours bien, sans difficulté, sans obstacle, sans préoccupation. Si elles avaient l’habitude d’avoir toujours ce dont elles pensaient avoir besoin, si elles étaient assistées en toute chose, comment auraient-elles pu imaginer qu’en l’occurrence les choses auraient pu aller différemment ? Cette sécurité matérielle, ce confort apparent, cette tranquillité de façade leur ont retiré leur capacité à se prendre en main, à réfléchir, à discerner et d’une certaine manière leur liberté. Elles sont démunies. Plus encore, il me semble que dans ce contexte, elles n’ont pas pris la mesure de l’invitation qui leur était faite, elles n’ont pas pris au sérieux l’époux qui les invitait, elles n’ont pas compris où était leur intérêt et leur bien. Leur esprit, embrumé par tout ce confort, a perdu tout autonomie, tout discernement, toute liberté. Elles ressemblent tellement à notre société installée dans ses certitudes, son confort et ses habitudes, privée de toute capacité de réflexion et de discernement : libre en apparence, mais entravée de mille manières.

Dans cette parabole du Royaume des Cieux, les jeunes filles prévoyantes ne peuvent partager l’huile qu’elles ont apportée en réserve. Serait-ce par manque de générosité ou de charité ? Je dirais plutôt qu’elles ne peuvent la partager, parce cette réserve est une réalité intime et essentielle qui est propre à chacun. Cette huile est ce qui va alimenter la flamme et la lumière de leur lampe. Cette lampe est aussi bien leur cœur, leur esprit, leur volonté que leur intelligence. Le Seigneur ne nous encourage pas à l’égoïsme, mais nous exhorte à la sagesse !

Quelle est l’huile que nous devons avoir en réserve, non seulement pour nous conduire au Royaume des Cieux, mais aussi pour vivre cette vie en nourrissant notre espérance ? Assurément ce n’est ni l’insouciance ni la peur.

 

Abbé Bruno Gerthoux, curé de Robion et des Taillades